Covid : « L'architecture de demain sera forcément plus “végétarienne” »

« Changez tout ! » Notre urbanisme devra s'adapter sans tarder, préconise le patron d'Arep, cabinet d'architecture et d'ingénierie de la SNCF.

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Raphaël Menard , patron d'Arep, cabinet d'architecture et d'ingénierie de la SNCF.
Raphaël Menard , patron d'Arep, cabinet d'architecture et d'ingénierie de la SNCF. © DR

Temps de lecture : 4 min

Président d’Arep, agence d’architecture interdisciplinaire (1 000 collaborateurs, 30 nationalités) filiale de SNCF Gares & Connexions, Raphaël Ménard décrypte les options d’aménagements urbains (immeubles, espaces publics, etc.) de nos villes confrontées aux crises sanitaires et sécuritaires.

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Le Point : Comment le coronavirus bouscule-t-il nos métropoles au quotidien ?

Raphaël Ménard : Depuis le 16 mars, la carte française des présences humaines a singulièrement changé. Les hautes densités se sont étalées vers les territoires ruraux et les lieux de villégiature. Dans les villes, les espaces publics désertés contrastent avec les intérieurs confinés, offrant quelques mètres carrés par individu. Appartements tassés, d'un côté, sol et vitrines sans vie, de l'autre. En situation de crise, la métropole est soudain devenue moins sexy. Nous vivons déjà dans la ville post-attentat. Celle des dispositifs de sécurité aménagés parfois à la hâte : plots en béton antibélier qui ont envahi places et promenades, fermetures et contrôles d'accès variés. Trop souvent, l'urgence de la sûreté a prévalu sur les qualités de l'espace public. Ces artifices ont fréquemment détérioré les aménagements et la facilité d'usage de ces lieux. Le parvis de la tour Eiffel s'est cloîtré d'une façade de verre.

Quels seraient les impacts urbains du Covid-19 à plus long terme ?

Dans nos espaces publics déjà blessés, on voit poindre les distributeurs de gel hydroalcoolique ou les fontaines publiques avec du savon. Nous découvrirons aussi des surfaces et des matériaux plus antiseptiques que d'autres, comme le revêtement en cuivre et son pouvoir bactéricide, utilisé dans le domaine hospitalier sur des poignées de porte afin de prévenir des maladies nosocomiales. Cette crise renforce la nécessité d'un urbanisme du soin (ou du care). Cette intention était déjà prégnante lorsque des municipalités avant-gardistes anticipaient les enjeux de l'adaptation au réchauffement climatique, vis-à-vis notamment de ses conséquences en termes de confort et de santé publique. Par des quartiers exemplaires ou au sein de « plans climat » volontaristes, certaines mesures sur la façon de concevoir et de transformer la ville étaient latentes : augmentation de la place du végétal et de son effet de rafraîchissement, colorimétries claires pour les surfaces exposées au soleil en situation estivale, morphologies des vides pour favoriser la circulation d'air, orientation et typologie du bâti pour optimiser la ventilation naturelle, etc. Ces dispositions seront demain à amplifier pour mieux prendre en compte les questions sanitaires et améliorer la protection de nos concitoyens les plus fragiles.

L'architecture des bâtiments sera-t-elle logée à la même enseigne ?

Véritable coup de semonce, la soudaineté de cette crise met à mal notre confiance dans nos capacités d'anticipation. Le futur n'a jamais été aussi imprévisible. Cela questionne l'essence même de l'architecture : la permanence dans le temps de l'objet construit et son obsolescence. Selon l'exemple de la construction japonaise traditionnelle, doit-on demain construire (ou transformer les existants) de façon légère, pour une durée de temps brève, pour ensuite à nouveau construire, de façon adaptée au climat et aux crises qui se seront révélées ? Ce sera alors une architecture adaptative, incertaine du lendemain. Les investissements écologiques (matériaux, énergie, émissions de CO2etc.) dédiés à l'édification (ou à la transformation) seraient congrus et les temps de vie attendus, limités.

Existe-t-il une solution alternative ?

Une autre démarche, plus classique, consisterait au contraire à bâtir une architecture robuste, solide, apte à résister à des événements imprévus, à des phénomènes météorologiques probablement plus violents. Cette stratégie réclamera assurément un surdimensionnement de la construction, en anticipant des sécurités sur les efforts de dimensionnement au vent, en protégeant davantage les constructions vis-à-vis des inondations ou des submersions potentielles. Face à ces lendemains très incertains, à la rupture historique de la permanence des climats, aux modifications impromptues des crises à venir, l'architecture renouvelable touche là le domaine des probabilités : elle convoque une dimension assurantielle dans la façon de conduire la conception, avec subtilité et contextualité. Mais, quelle que soit l'option choisie, l'architecture de demain sera forcément plus « végétarienne ».

C'est-à-dire ?

Elle utilisera prioritairement les matériaux biosourcés locaux, le bois notamment, matière renouvelable par essence. Elle sera édifiée en circuits courts, avec des chaînes logistiques ne dépassant guère les dimensions régionales. L'architecture sera simple, facilement réparable et transformable par ses usagers pour s'adapter aux secousses et aux transformations de ce siècle décidément imprévisible. L'architecture sera aussi la capsule de repli, l'abri confortable et résilient, doté de systèmes techniques simples, parfois redondants, afin de garantir son autonomie de fonctionnement, y compris dans une situation dégradée. Cette architecture renouvelable n'est pas un retour au vernaculaire, mais elle est avant toute chose l'art de reconfigurer les existants, comme l'art de déconstruire savamment l'inutile et l'indécent. Cette architecture-là est une refondation de la discipline. Lors de cette crise, l'architecture a, elle aussi, franchi son pic.

Lire aussi « Vite, des bâtiments mixtes pour télétravailler à domicile ! »

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Commentaires (6)

  • Alain R. C.

    A voir la beauté des entrées de villes par la gare : bâtiments tagués, en ruines, Algecos entassés, espaces en friche, pour finir sur les quais noircis inconfortables, j’ai quelques doutes sur l’architecture Végan.
    Commencez donc par avoir des toilettes propres dans les trains si vous voulez qu’on soit en bonne santé.
    après on fera de la poésie.

  • guy bernard

    Que l'urbanisme soit établie par des urbanistes et non des maires et des préfets et ce sera déjà pas mal.
    il en est de même pour l'architecture
    enfin, on a besoin d'un président pompidolien aimant et considérant tous les territoires.

  • Ry87

    Sera aussi végétarienne ?